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La pénurie d’enseignants qualifiés met la France au défi

Le traitement d’un enseignant français débutant est dans la moyenne des pays de l’OCDE. Mais il recule de l’ordre de 15 % à mi-carrière. Ce n’est qu’en fin de carrière que son salaire rejoint la moyenne.

Caroline Beyer

Publication d'origine

5 minutes

13 septembre 2023

Caroline Beyer

DÉCRYPTAGE - Salaires, perspectives de carrière… L’OCDE constate que le métier de professeur vit une crise mondiale.


La revalorisation inconditionnelle des enseignants français, promise par Emmanuel Macron en 2022, sera effective sur les fiches de paie de septembre. Elle n’atteint pas les 10 % annoncés alors par le candidat à la présidentielle (5,5 % en moyenne, dans les faits), mais change substantiellement la donne pour les débuts de carrière.


L’augmentation la plus élevée concerne les professeurs ayant entre 6 et 8,5 années d’expérience (+ 222 euros nets, soit 2 204 euros nets). Les entrants dans la carrière débutent, eux, à 2100 euros (contre 1700 il y a trois ans). C’est dans ce contexte que la publication annuelle de l’OCDE, Regards sur l’éducation - qui passe au crible les systèmes d’éducation dans le monde -, était présentée mardi, en présence du ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal.


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La situation financière des enseignants français a-t-elle progressé? Est-elle spécifique parmi les pays de l’OCDE? L’investissement dans l’éducation se résume-t-il à des questions salariales? L’étude concerne l’année 2022 et ne prend donc pas en compte l’actuelle revalorisation. «Nous observons cependant une forme de rattrapage, explique Éric Charbonnier, analyste à l’OCDE, spécialisé sur les questions d’éducation. En début de carrière, les enseignants français gagnent à peu près pareil que la moyenne des pays de l’OCDE. En revanche, après dix ou quinze ans, il y a toujours un écart important, de l’ordre de 15 % inférieur à la moyenne. Au bout de trente-cinq ans, à l’échelon maximum, les salaires de nos professeurs s’approchent à nouveau de la moyenne.» À l’école élémentaire, un professeur français commence ainsi à 32.100 euros annuels, soit légèrement plus que son homologue coréen (31.200). Mais au bout de quinze ans, le premier touchera 37.700 euros et le second 55.100. Aux Pays-Bas, ce même professeur commencera à 45.200 puis touchera, quinze ans plus tard, 73.600 euros. À l’autre extrémité, le professeur des écoles grec débute à 18.900 euros annuels et son salaire peine ensuite à décoller. «La revalorisation en France ne touche pas les milieux de carrière, ce qui est difficile à vivre pour les personnels concernés et difficile, également, en termes d’attractivité du métier. Mais la rémunération n’est pas le seul levier de l’attractivité», poursuit Éric Charbonnier avant d’évoquer les possibilités d’évolution et de mobilité, aujourd’hui au point mort, et la formation: «Il faut proposer un métier avec davantage de perspectives de futur.»


Crise mondiale

La situation n’est pas spécifique à la France. Le métier de professeur connaît une crise mondiale, perceptible depuis 2018 et marquée, aujourd’hui, par la pénurie. Cette crise, l’Allemagne la connaît. Les professeurs y sont payés deux fois plus qu’en France, mais se plaignent d’un métier devenu trop exigeant, de tâches administratives considérables, de la pression parentale et de l’absence de perspectives. «En Europe, il n’y a qu’en Finlande et en Irlande que l’on parvient à trouver des candidats pour tous les postes ouverts, résume l’analyste de l’OCDE. Et encore, la Finlande a des problèmes à recruter en maternelle.» Dans le pays nordique, les professeurs sont un peu mieux payés qu’en France. Mais surtout, ils ont une formation de qualité, bénéficiant des avancées de la recherche en pédagogie et d’une solide formation continue. «Le métier est intellectuellement stimulant. Il est valorisé. Ajoutons à cela qu’il y a, en Finlande, moins de problèmes de remise en question de l’autorité du maître», ajoute l’analyste. En Corée - où les enseignants sont nettement mieux payés -, le passage par les zones défavorisées permet de fortes avancées dans la carrière. Et dans ce pays où le métier est socialement valorisé, ce sont les meilleurs étudiants qui postulent. Dans l’Hexagone, le ministre Gabriel Attal ouvre ce mercredi une négociation avec les syndicats sur l’attractivité du métier. Il souhaite parler des conditions de travail, de la gestion des ressources humaines et de la formation. Tandis que les syndicats veulent rouvrir le dossier des salaires et réitérer leur refus du «pacte», cette rémunération «au mérite», voulue par Emmanuel Macron…


«Lorsque vous devez faire le choix entre des classes à petits effectifs ou prendre les meilleurs professeurs, choisissez les meilleurs professeurs!», a intimé mardi l’Allemand Andreas Schleicher, patron de la direction éducation à l’OCDE. Il avait auparavant fait une comparaison éloquente entre les Pays-Bas et la Grèce. Tous deux investissent les mêmes montants dans leur système d’éducation, mais différemment. Le premier paye mieux ses enseignants, propose un temps d’instruction plus long et des classes à effectifs plus élevés que le second. Éric Charbonnier rappelle, lui, que si la France consacre 59 % du temps scolaire, à l’école élémentaire, aux «fondamentaux» - le français et les maths -, les performances des élèves de CM1 se situent sous la moyenne des pays d’Europe. «Il faut investir sur des enseignants bien formés», conclut-il.

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